Tentative de promotion et d’amélioration des Fromages d’Auvergne en 1730.

par Marie-Noëlle G.

Recherchant à des fins généalogiques, les activités agricoles et leurs productions dans le Puy de Dôme, au 18éme s, plusieurs écrits relatant les tribulations de notre St Nectaire méritent d’être cités. (sources: archives départementales du PDD)

Avec, sans doute entre les mains les premiers atlas, qu'il fit réaliser à l'échelle, des routes du Royaume.A cette époque, à Paris, les fromages d’Auvergne avaient perdu de leur renommée surtout face aux fromages importés de Hollande. Afin de favoriser un approvisionnement national, Daniel-Charles Trudaine1, intendant d’Auvergne est sollicité en 1730, pour mettre sa province en état de soutenir avantageusement la lutte face aux productions étrangères. Après avoir consulté ses subdélégués d’Aurillac, St Flour, Viverols et autres lieux, il annonce pouvoir livrer à Paris au moins 10,000 quintaux de fromage au prix de 17 à 22 livres5 avec 3 livres de transport au quintal. Enfin il présente au Conseil de commerce un mémoire sur les causes de la préférence accordée aux fromages de Hollande. Il espère en triompher; les causes sont :

1° les frais de transport qui sont moindres de la Hollande à Paris que des montagnes d’Auvergne – 2° les fromages de Hollande ne paient pas d’entrée en France; ceux d’Auvergne paient un droit de douane à la sortie de la province – 3° les fromages de Hollande se conservent mieux et peuvent supporter la mer.

Philibert Orry2, le contrôleur général des finances, répondant à Trudaine, constate lui-même l’infériorité des fromages d’Auvergne; il dit : « Les épiciers de Paris refusent de les acheter à cause de la mauvaise odeur et du mauvais goût qu’ils contractent pour peu qu’ils soient gardés, et à cause des déchets et du peu de soin apporté dans la fabrication … » Dans un modeste intérieur, les outils pour la fabrication familiale du fromage.

Que faire ? « Il importait donc de perfectionner la fabrication » Alors M. Trudaine cherche à introduire en Auvergne «la façon Gruyère» ! On envoie en Franche-Comté le prieur de Chastreix pour étudier la manière de fabriquer le Gruyère. Un mémoire est établi concernant les façons de procéder en Auvergne et en Suisse ou il est de coutume de faire doucement chauffer le lait avant d’y mettre la présure. On fait parvenir à M. Trudaine des échantillons de fromage ainsi que les devis et plans d’une fruiterie pour la fabrication. Enfin un traité est signé entre les parties pour l’engagement de vachers suisses.

Quatorze Suisses arrivent en Auvergne. Des bâtiment pour faire le gruyère sont construits par corvées dans les paroisses de Saint-Pardoux, Chastreix, Bagnols, Saint-Donat … Quand les nouveaux fromages arrivèrent dans la rue des Gras, « il y accourut du monde de toute part; les Mallet les admiraient, et on eut bien de la peine à empêcher qu’ils ne les piquassent » Un envoi fut fait à Paris ; il fut partagé entre les Invalides, l’Hôpital Général et plusieurs épiciers. M. Mégret en remerciant, dit : « Chacun trouve que le fromage est d’une pâte excellente et égale à celle des véritables gruyères, qu’on n’y trouve aucune différence, sinon qu’ils ne sont point autant salés et qu’ils n’ont point d’yeux » Il ajoute que l’on s’efforce à Paris d’encourager la fabrication des gruyères d’Auvergne; on est décidé à diminuer encore les frais de transport en diminuant les droits perçus pour les péages et pour la douane de Vichy.La fabrication artisanale du St Nectaire.

Les soins de M. Trudaine sont récompensés. En séance du Conseil du Commerce M. Fagon3 dit de lui qu’il est le meilleur intendant du royaume; on l’engage à perfectionner encore la fabrication, à envoyer, pour les faire connaître, des fromages nouveaux dans les ports de Bordeaux et de La Rochelle. Car il ne faut pas perdre de vue que l’objet principal qu’on se propose est l’exclusion des fromages étrangers pour la fourniture de la marine.

A Paris, l’Hôpital Général, la Salpêtrière et la Pitié consomment annuellement 110,000 milliers (sic) de fromages pris à l’étranger à 7 sols 5 deniers. Ceux d’Auvergne reviennent à 8 sols; il faudrait que M. Trudaine abaissât ce prix pour avoir la préférence. Trudaine ne s’arrête pas dans ses efforts; il écrit à ses subdélégués et les exhorte à former des établissements pour fabriquer le fromage façon gruyère. Il promet de leur en procurer le débit à 25 livres le quintal, pris sur place. Il s’engage auprès de ceux qui veulent entreprendre cette fabrication, à leur accorder la remise de leurs impositions pour l’année 1734 et de ce qui reste dû pour 1733. Les cotes d’office seront taxées à un chiffre minime pendant six ans, enfin leurs vachers seront exemptés de la milice. La fabrication moderne du St Nectaire.C’était bien le vrai moyen de les encourager et de les contenter. Les progrès continuent et on fait venir de nouveaux vachers suisses. Les fabriques se multiplient dans plusieurs paroisses : à Saint-Alyre-ès-Montagne, aux Bains du Mont-Dore, à Besse, Bagnols, Murat-le-Quaire, Saint-Pardoux. C’est la conséquence des cotes d’office réduites.

Mais n’y a-t-il pas là une source d’abus ? M. Trudaine n’est plus intendant car il est devenu ministre du roi. Il recommande à son successeur, M. Rossignol4, de continuer la réduction des cotes d’office en raison des sacrifices effectués et aussi des engagements qui ont été pris. Mais M. Rossignol, s’il ne se prononce pas contre ce qu’a fait M. Trudaine, est pris de quelques scrupules et émet quelques observations car il sait que la production est en baisse et que les propriétaires, sûrs des avantages que leur procure la cote d’office, ne fabriquent que la petite quantité de gruyère nécessaire pour donner prétexte à cette faveur. En fait, si le roi a changé d’intendant, l’intendance parait avoir changé de régime. Les fabriques de gruyère tombent alors en défaveur, et l’on revient pour longtemps à la fabrication de l’ancien fromage d’Auvergne.

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Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.

Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.