Château de Val et Gentiane-Express, 11 mai 2025 (1)

par Monique et Christine M.

     Nous avons un grand autocar conduit toujours aussi sereinement par Thomas, car avec lui, nous sommes 45, bien décidés à ne pas être découragés par le temps peu ensoleillé. Sur l’ancienne RN 89 qui nous est familière, les prés, les bois sont de toutes les teintes de vert, seuls les genêts en fleur tranchent en jaune. Le temps est gris mais on voit loin, les monts du Sancy d’abord et enfin le grand plateau de Corrèze. Laqueuille, Tauves, et nous arrivons au pied du château de Val. Il se dresse au-dessus de la retenue du barrage de Bort-les-Orgues et nous prenons la passerelle qui y conduit pour attendre notre guide.

     Celui-ci nous explique que si l’eau est basse dans la retenue, ce n’est pas dû à une sécheresse, mais c’est que l’un des deux groupes de production est en réparation, et on a préféré faire baisser le niveau de l’eau. Le château de Val, qui seul maintenant émerge, dominait une vallée très large, où vivaient avant la construction du barrage 1200 personnes qui ont dû être expropriées, les villages de vallée ont été submergés. La Dordogne sépare trois départements, le Puy-de-Dôme, le Cantal, et la Corrèze. Nous sommes dans le Cantal, mais le château appartient à la Corrèze…

     Le barrage a été construit entre 1950 et 1960, quand était prioritaire la production d’électricité. Son architecture est celle d’un barrage en « poids-voûte », la retenue a 112 m de profondeur et contient 477 millions de mètres-cube d’eau.

     L’architecture du château le date du XV ème, mais elle se greffe sur un donjon édifié au XI ème et sur une forteresse du XIII ème. Au XVème, on construit les tours caractéristiques, les quatre principales, mais elles sont au nombre de six au total et on retrouve des tours semblables sur plusieurs châteaux alentour, dont certains sont en ruine. Il reste aussi près du château la tour de guet (un peu penchée…), les écuries, la chapelle. La belle toiture est en bardeaux de châtaignier, en tuiles bourbonnaises, et en lauzes, les choucas des tours l’apprécient.

     A l’intérieur, nous empruntons l’escalier de l’une des tours qui nous conduira jusqu’à l’étage où l’on peut admirer la belle charpente qui soutient la toiture (145 marches !). Avant ce sommet, nous verrons un château entièrement réaménagé et remeublé tant il a subi des vicissitudes, mais en respectant ce qu’il était encore au moment où la dernière propriétaire l’a cédé à EDF.

     Au premier étage, le salon tapissé en cuir de Cordoue a gardé son plafond à caissons entièrement peint, sa cheminée très décorée sur le thème de la guerre (avec une Athéna en majesté), et les fleurs de lys qui rappellent qu’un seigneur du château a sauvé Philippe-Auguste tombé sous son cheval à la bataille de Bouvines en 1214. Une belle tapisserie d’Aubusson de 1710 couvre le mur opposé à la cheminée, et les volets des fenêtres sont intérieurs : il était bien difficile de se chauffer… La salle de billard (avec un billard français en palissandre) présente l’histoire des différents propriétaires jusqu’à aujourd’hui. Après avoir appartenu à différentes familles auvergnates (les d’Estaing, les Pesteils…) c’est à partir du XIX ème siècle  que le château a connu des déboires. Un commerçant bortois qui l’avait acheté était prêt à l’abandonner quand Louis Gauthier réussit à le racheter et à le restaurer, avant de le revendre à une dame qui le gardera jusqu’en 1949, quand EDF l’acquiert pour construire le barrage. La retenue devait alors arriver au niveau de sa base, mais le risque pour les fondations a fait revoir le remplissage de la retenue à la baisse. Propriété d’EDF qui ne l’entretient pas, le château est livré aux pillages, et EDF le cède à Lanobre qui ne peut l’entretenir. C’est la mairie de Bort-les-Orgues qui le rachète et enfin le réaménage tel qu’on le voit aujourd’hui.

     La salle à manger a une belle cheminée avec un buste de Marc-Aurèle, un vaisselier étonnant (peu pratique pour ranger la vaisselle !) et un petit escalier Renaissance, d’origine, qui conduit à un petit oratoire qui a conservé d’origine lui aussi un vitrail représentant une piéta. Le grand-père de la dernière propriétaire, ministre d’État de Napoléon III, est peint dans un grand tableau à l’échelle de sa fonction…

     C’est à l’étage supérieur que l’on découvre des salles plus contemporaines (mais avec un parquet Versailles datant de 1840) qui servent d’exposition à la Galerie Christiane Vallé de Clermont depuis 50 ans, deux fois par an.  À chaque exposition, le peintre exposé laisse au château un tableau qui représente le château, si bien que les salles sont un témoignage de l’histoire de l’art contemporain, et que l’on a remarqué d’autres tableaux de cet ordre disséminés dans les autres pièces. Il nous reste à grimper au dernier étage, celui d’un chemin de ronde très étroit qui entoure les logements des domestiques, bien peu confortables, et qui est dominé par la charpente apparente de la tour, en chêne traité comme il convient, de telle sorte que nous admirons une charpente qui a 650 ans. Dans une des chambres de cet étage, on a conservé des objets de la vie courante retrouvés lors des vidages du barrages. Mais la fiction s’est aussi invitée ici, c’est le lieu d’une scène fameuse du film le Capitan (1960).

     Il est temps d’aller déjeuner à Bort-les-Orgues et puis de partir pour la gare de Riom-es-Montagne.

     Nous nous installons dans un bel autorail jaune (fleur de gentiane…) et attendons le départ au coup de sifflet. Nous allons emprunter la voie ferrée Bort-Neussargues, construite au XIX ème.