Château de Val et Gentiane-Express, 11 mai 2025 (2)

par Monique et Christine M.

     Nous nous installons dans un bel autorail jaune (fleur de gentiane…) et attendons le départ au coup de sifflet. Nous allons emprunter la voie ferrée Bort-Neussargues, construite au XIX ème

(à ce propos, le chemin de fer a exactement 200 ans, on fête cette année la première voie ferrée anglaise) pour raccourcir le trajet entre Béziers et Paris afin de transporter les vins du Languedoc. À l’époque, les compagnies de chemin de fer sont privées (PLM et Paris-Orléans se partagent le marché). Cette ligne prolonge le tracé qui passe à Montluçon en passant par Saint-Flour et Millau. Mais en 1950, la construction du barrage de Bort met la portion Nord sous l’eau, il reste la partie Sud, ligne de montagne parmi les plus belles de France. Elle sera fermée en 1990, mais conservée dans sa totalité, transformée en voie touristique : pour le Gentiane-Express, pour des portions de vélo-rail. Cela n’a pu se faire que par l’engagement de bénévoles qui ont créé cette association, maintenue par des passionnés du rail qui ne sont pas toujours des anciens cheminots. L’association emploie quelques salariés, l’une à temps complet et un conducteur à mi-temps, salarié l’été et bénévole l’hiver, tout le reste est assuré par des bénévoles qui se relaient pour entretenir 39 km de voies, accueillir les voyageurs, gérer l’association.

     Entre Bort et Neussargues, il y a quatre tunnels, six viaducs sur 73 km. Nous passerons deux tunnels et ferons demi-tour au deuxième viaduc. Nous suivons la vallée de la Petite Rhue, qui se jette dans la Rhue, une des sept rivières qui descendent du puy Mary, qui se jette elle-même dans la Dordogne. La vue porte sur la Corrèze et le plateau de Millevaches (mille sources). Le tunnel de Montagnat, long de 599m, a la particularité d’être en fer à cheval et donc en dévers pour prendre la courbe.

     Nous passons la gare de Saint-Amandin, typique des gares de montagne du Cantal. Tout près de la gare, demeure le Grand Hôtel de la Gare, et le long de la voie, le bâtiment des voyageurs et celui des marchandises, la lampisterie. On a encore draisine et wagonnets pour l’entretien. Le château d’eau a été démoli, les locomotives à vapeur ont disparu en 1960. Il faut rappeler qu’au chemin de fer, le « chauffeur » ne conduit pas mais chauffe la machine, c’est le « conducteur » qui conduit. Et pourtant, on a conservé ce terme de « chauffeur » même pour l’automobile… À Saint-Amandin, on chargeait des grumes, des produits alimentaires (charcuterie et fromages), des bestiaux lors des transhumances, et des toiles de Condat. La gare est encore habitée.

     Le suc de Vezol, à 1027 m, porte une croix en rails de chemin de fer, et une table d’orientation. On arrive sur le Cézallier, vaste plateau entre Puy-de-Dôme et Cantal, dont l’altitude est autour des 1000 m dominés par quelques sommets (le Luguet par exemple). Cet immense territoire a été déboisé depuis le Moyen-Âge pour nourrir les troupeaux (Salers, Aubrac…) qui donnent viande et fromages. Il n’y a pas si longtemps que la transhumance se faisait en train, on connaît la réputation des fêtes de l’estive. Il reste quelques burons (dont celui de Pierrefite) où se faisait le Cantal pendant l’été, ils sont presque tous en ruines. Mais le Cézallier fournit encore cinq fromages AOP de grande qualité : le Cantal, le Salers, le Saint-Nectaire, la Fourme d’Ambert et le Bleu d’Auvergne. Le col de Pierrefite, à 1051 m, est le plus haut que franchit la ligne. Il domine des tourbières qui ont été exploitées jusqu’en 2010, mais qui commencent à s’assécher. Les gentianes ne sont pas encore sorties en cette saison. Après le col, le paysage s’élargit : on domine la vallée de Cheylade, et on devrait voir le Puy Mary et les fours de Peyre-Arse, mais la brume en a décidé autrement… Le volcan du Cantal est le plus vaste volcan d’Europe, le massif est entièrement dû à l’éruption du puy Griou que l’érosion a modifiée.

     Nous arrivons à Lugarde, où l’on fait étape et où l’on peut aller jusqu’au suc du chien ou se réfugier dans les cafés qui proposent des spécialités (notamment des cornets de Murat…). Au retour, maintenant que nous nous sommes familiarisés avec l’ancienne voie ferrée, notre guide nous donne des précisions sur ces anciennes voitures. Les RGP, rames pour grands parcours, appartenaient au Trans-Europe-Express et ne comportaient que des premières classes.  Celle où nous sommes a un moteur de 825 chevaux, conçu à Mulhouse, et comporte premières et deuxièmes classes.  Elle a été modernisée en 1991, c’est la seule qui roule encore sur cette voie, d’autres ont été modernisées dans les années 80-90 pour servir dans les TER.

     Avant le viaduc de Barageol, nous avons fait une petite étape. C’est un bel ouvrage de maçonnerie, sur le Mars, pour lequel on avait pensé à un ouvrage métallique, mais il n’y avait pas de routes assez importantes pour acheminer de longues structures de fer, il est donc en basalte et andésite.  C’est un bel ouvrage en courbe, long de 357 m, avec 20 m d’ouverture des arches, et 75 m de hauteur au-dessus de la vallée pour la pile n° 7, il a été classé au répertoire des monuments historiques. En marchant un peu sur le long de la voie, on peut voir la belle courbe du viaduc, mais l’arrêt est court sous la pluie !

     La petite Rhue, que nous suivons à nouveau au retour, passe sous le tunnel de l’Estampe, et nous sommes bientôt à Riom-es-Montagne, qui possède des vestiges gallo-romains : son nom pourrait venir de « rigomalus » : marché du roi ? marché du gué ? En tout cas, c’est toujours une ville de commerce local, pour les fromages, l’Avèze, et des produits de filtration à base de roches volcaniques. La gare a été transformée pour le Gentiane-Express, mais l’association a acheté celle de Bort pour pouvoir loger les nombreux bénévoles qui viennent chaque année participer à l’entretien de la voie que l’on vient de parcourir.

    Et à propos de gentiane, nous allons à l’Espace-Avèze pour en savoir plus sur la plante et sa transformation en apéritif. La plante est peu exigeante, elle peut vivre très longtemps, haute de 1 m à maturité, avec des racines aussi longues au-dessous. La récolte des racines est très réglementée et demande des spécialistes, on fait de l’Avèze à partir des racines. La dégustation se fait dans la bonne humeur (quelle est la meilleure ? La 15, la 18, la 23 ?), et au retour Thomas a la très bonne idée de passer par une route plus belle que celle de l’aller, où l’on retrouve Saint-Amandin (le village, cette fois), le bel habitat rural cantalien et puis Condat-en-Feniers, Égliseneuve d’Entraygues, Besse et Murol. Une belle journée que la pluie n’a pas réussi à attrister, merci à tous.