LA « JOURNEE CANARD » : 23 avril 2023
par Monique, Josiane et Marilou
Nous sommes tous au rendez-vous malgré l’heure matinale, y compris le car avec Jean-Michel que nous retrouvons avec plaisir après plusieurs sorties qui avaient dû être annulées pendant la période d’épidémie. Nous partons sur l’ancienne RN 89 (le soleil levant éclaire l’herbe très verte des prés, les arbres en fleurs partout et le Sancy qui a encore un tout petit peu de neige) pour rejoindre l’A 89 en direction de la Corrèze : le paysage est de plus en plus forestier, les viaducs surplombent de grandes vallées boisées, vers Égletons il y a même un peu de brouillard. À l’aire de Corrèze, pause petit-déjeûner et nous continuons vers le Lot jusqu’à Souillac, en plein Quercy, dans les paysages riants des bords de Dordogne. À la sortie de la ville, nous arrivons à la ferme de Grezelade, où l’ancien propriétaire nous accueille et nous fait un rapide historique de cette exploitation familiale dont il a laissé la direction à sa fille, mais qui est l’héritière d’une tradition ancienne d’éleveurs. C’est que la région pratique depuis toujours ces méthodes de gavage de canards pour le foie gras, mais aussi la production de truffes, de noix : on sait que c’est un haut lieu de gastronomie !
La ferme élève environ 500 canards « mulats » par mois, qu’elle choisit chez des volaillers locaux dès qu’ils ont 15 jours et qu’elle élève pendant quatre mois, dehors, dans d’immenses prés sous les noyers, où ils se nourrissent d’herbe et de maïs. Quand ils ont un gros jabot, ils sont gavés deux fois par jour pendant 12 jours et donneront confits, magrets, foie gras et graisse de canard.
La jeune chienne border coolie les rentre tous les soirs et nous montre son savoir-faire derrière la grille de la grande étendue d’herbe. Elle rassemble les canards, va les chercher un par un s’il le faut, à toute vitesse, en quelques minutes le troupeau est rassemblé mais ce n’est pas l’heure de rentrer et on les laisse à nouveau gambader en plein champ… Mais dans la cour il y a une petite cage où trois canards attendent d’être gavés. Notre guide s’assoie dans la cage, prend un canard, met dans son bec un petit tuyau et au-dessus du tuyau un entonnoir muni d’une manivelle, dans lequel il met petit-à-petit 120 g de maïs jaune cuit à l’eau avec un peu de graisse. Après quelques tours de manivelle pour introduire les grains, il fait glisser la nourriture dans le jabot, tout cela en douceur et le canard ne montre aucun signe de souffrance : ce n’est pas une méthode industrielle. Après le gavage, il faut donner de l’eau additionnée d’un soupçon de vinaigre pour le bien-être du tube digestif. Les grains descendent dans le jabot, on arrête le gavage quand les grains atteignent la collerette. Une CBNiste courageuse gave le deuxième canard…
Nous entrons dans le bâtiment : au-delà du magasin, près des locaux de préparation où nous n’irons pas pour respecter les consignes strictes d’hygiène, il y a une table de découpe où notre guide nous découvre un énorme canard tué, plumé, préparé comme on le trouverait sur le marché. Il nous fait une magnifique démonstration de découpe : c’est tout un art (je pense au texte de Platon qui parle de l’art du découpeur de poulet…! Déjà dans l’Antiquité, on le savait !!) A peine tranché, la peau épaisse écartée, le canard montre son gros foie : on l’enlèvera en premier, il sera déveiné et travaillé immédiatement. Le goût du foie vient du terroir, on ne devrait pas faire du foie gras n’importe où… Et puis les magrets, les aiguillettes, les rougicous (ce qu’il y a autour des os)… etc. Il est aussi question de la mique, sorte de pain. Quelques CBNistes savent aussi découper, préparer pommes de terre et champignons à la graisse de canard, les recettes s’échangent.
Il reste à passer à l’apéritif, évidemment accompagné de saucisson de canard et de rillettes de canard… Et puis dans la salle de restaurant, une grande table nous est préparée le long des fenêtres, la place est libre pour une piste de danse, nous faisons quelques achats à la boutique et le repas est tout canard, dessert aux noix : tout du terroir ! Avant même la fin du repas, quelques danses pour digérer un peu et comme il y a aussi un micro, nous avons droit à un beau concert du CBNiste baryton-basse qui entraîne quelques autres voix dans sa joie de chanter !
Depuis que nous sommes à l’intérieur, il s’est mis à pleuvoir mais au moment de partir le soleil est revenu, nous reprenons le car vers Souillac où l’on voit mieux qu’à l’aller les belles maisons de Dordogne, en pierre blonde, à la belle architecture de pays opulent. En prenant la direction de la gare, nous arrivons sur le lieu de production de « la vieille prune » de Louis Roque, qui a fondé cette maison en 1950. L’entreprise appartient toujours à la même famille, elle emploie 10 personnes qui font tout à la main. Les anciens distillateurs nous rappellent les engins des bouilleurs de crus qui allaient de village en village. Ici ; les prunes viennent de toute la France, le mélange est le secret de la maison qui donne son goût et sa couleur à l’eau de vie. Il faut 10 kg de fruits pour un litre qui sort du distillateur à 60-70°, il faut le descendre à 42° avant de le mettre en fûts de chêne. Il y a trois catégories de vieille prune, la classique de deux ans d’âge (42°, envoyée à l’étranger pour 20 % de la production, en France pour 80 %) , et puis une de six ans d’âge et une autre qui est l’assemblage des deux. Les bouteilles bouchées sont fermées à la cire, à la main, avec le poinçon maison, de façon toute artisanale. Mais on est aussi dans une région de noix, la noix du Périgord : il se fait donc aussi brou (le brou est récolté entre le 24 juin et le 22 juillet, entre la Saint Jean et la Sainte Madeleine), apéritif et liqueur de noix.
Quelques achats encore et nous repartons, encore aussi quelques notes de Sole mio, et puis retour plus calme (le repas ? les liqueurs ?) avec un joli détour par la route de la Miouze, où le printemps éclate partout, comme dans le Lot ! Belle journée, joyeuse, et gastronomique !