L’électrodrôme de Magnet
par Monique
L’arrivée de l’électricité comme force motrice (et pas seulement comme mode d’éclairage) fut une révolution dont on a de plus en plus de mal à comprendre l’importance, tant l’utilisation de cette énergie nous est familière et nous paraît évidente dans la vie quotidienne. Et pourtant, ses débuts ne furent pas faciles…
Dès la fin des années 1880 jusqu’en 1914, l’électricité et ses applications potentielles fascinent, mais celles-ci restent citadines et industrielles. Pourtant, le pays compte près de 20 millions de ruraux et les tâches agricoles sont peu mécanisées : la machine à vapeur est utilisée par exemple pour les battages, mais le moteur électrique serait d’un emploi plus simple. Il faut donc développer la création d’énergie électrique et le réseau qui permettrait sa distribution. L’État s’y emploie dès 1919, mais seulement 20 % des communes sont équipées : ce ne sont que des communes urbaines et le plus souvent, c’est la commune de l’agglomération principale.
La campagne vit encore au rythme de la marche du soleil, alors qu’elle a payé un lourd tribut à la première guerre mondiale : le pays doit acquitter une dette envers les ruraux en réalisant l’équipement de lignes électriques dans les campagnes pour rendre « plus facile et plus productif » le travail agricole et augmenter sa richesse, selon une circulaire aux préfets de 1919. Comment donc s’organiser et quelles seront les réactions des ruraux ? En effet, jusque là, quand l’électricité arrive dans un village, chaque ferme a un petit compteur qui alimente 3 ou 4 lampes, sans aucune prise de courant ! Il faut faire comprendre l’intérêt d’une électrification qui permettrait d’avoir des appareils pour les tâches agricoles, les tâches ménagères, le chauffage, et bien sûr un éclairage plus performant.
Quelques villages feront l’objet d’une expérimentation, ce seront les « villages électrifiés » : villages observatoires, d’étude, de test, qui sont 5 en France sur 37 000 villages ! et Magnet est le premier : « premier village électrifié de France ».
Pourquoi Magnet ? L’Allier est pionnier, il se forme un syndicat inter communal, auquel seulement deux communes ne participent pas (les communes urbaines), qui comprend la nécessité de faire une expérience grandeur nature. On choisit Magnet, village typique du milieu rural bourbonnais qui comprend un tiers de ruraux, un tiers d’ouvriers et un tiers de professions du tertiaire. L’expérience a lieu en 1939, bien sûr perturbée par la guerre mais quand même menée à bien. Le milieu rural utilise volontiers les objets prêtés par les constructeurs de matériel électrique. Une deuxième expérience est menée en 1952, cette fois avec E D F qui existe depuis 1946. (Avant, les fournisseurs d’électricité étaient des compagnies privées, dont chez nous la Compagnie hydroélectrique d’Auvergne).
On a compris que l’électricité serait l’énergie dominante, nous sommes entièrement dépendants de sa production et de sa maîtrise. Petit à petit, toutes les machines deviennent électriques.
C’est pourquoi ce musée est une exposition par les objets, et seulement les objets. Il est animé par des bénévoles, qui ont réuni et classé tous ces matériels pour faire de l’archéologie industrielle.
Au milieu de tous ces objets (dont certains ont réveillé des souvenirs attendris : « j’ai connu ça ! »), retenons :
– L’électrification des moulins : les meuniers ont été très vite intéressés, d’abord pour l’éclairage (la lampe électrique supprimait les risques d’incendie de la bougie), mais aussi pour l’énergie. Certes, ils avaient déjà leur énergie (l’eau), mais les turbines électriques sont plus puissantes et réglables.
– La sécurité d’embouteillage des eaux de St Yorre dont les moteurs ont été sauvegardés
– Les groupes électrogènes de l’armée.
– Les pompes à eau, l’embouteillage du vin…
– Les appareils médicaux (dont ceux des cures)
– et tout le secteur quotidien, ménager ou autre (premiers frigos, cuisinières, machines à laver, appareils radio, téléphone etc)
La bibliothèque de l’électrodrôme est consultable, et les dons d’objets ou de livres sont reçus avec reconnaissance.
« L’électrodrôme de Magnet constitue un centre d’archéologie industrielle de première importance » (*) et sa visite est un plaisir !
(*) Jacques Thierry, Electrodrôme de Magnet, premières expériences nationales d’électrification rurale de 1939 et 1952, Editions Vals d’Allier (en vente sur place, qui m’a aidé à compléter mes notes et qui comporte de belles et nombreuses photos !)