Miyajima : l’île où cohabitent les hommes et les dieux
par Marie-Annick (extrait du journal de voyage : Japon 2017)
Mardi 25 juillet :
Nous avons quitté le Sanctuaire OSAKA TEMMANGU, les yeux et oreilles époustouflés de toutes les images et bruits des festivités du retentissant Tenjin Matsuri que nous venons de vivre…Parades et danses en costumes d’époque, fête sur les bords de l’Okawa, délicieux yakitoris grillés devant nous…
1h 30 de trajet dans un Shinkansen immaculé jusqu’à Hiroshima, puis 15 mn dans un train JR. La pluie commence juste avant l‘arrivée… Transfert vers le ferry ; nous nous équipons des kways et couvre-sacs…La pluie chaude et forte nous frappe jusqu’à la gare du ferry… Nous embarquons en direction de Miyajima, île sacrée du shintoïsme, célèbre pour le torii “flottant” du sanctuaire d’Itsukushima, portail qui se dresse au milieu de la mer, et qui symbolise la frontière entre monde profane et monde sacré.
Postés sur la droite du bateau, après les parcs à huitres, nous l’apercevons déjà, flottant sur l’eau ! Vision étonnante dans un cadre majestueux ! La pluie s’arrête….
Dès la descente du bateau, les cerfs Sika nous suivent, réclamant une peau de banane, un gâteau…
Dépose des bagages dans le hall de l’hôtel.
Départ à pied par la rue commerçante pour le sanctuaire Shinto flottant sur l’eau dont l’architecture raffinée date de l’époque Heian. Étonnement de voir se côtoyer le rouge vermillon du sanctuaire, le bleu intense de la mer et le vert profond des forêts du Mont Misen. Après la pluie, les nuées s’évaporent dans une vision féérique…Les biches vont avec nous, en liberté dans leur royaume…
Après son introduction au Japon vers les Vème et VIème siècles, le Bouddhisme s’est mêlé à la religion autochtone, le Shintoïsme. Le sanctuaire d’Itsukushima aurait été construit dès 593, puis repris en 1168 ; la majorité des bâtiments ont été construits durant l’époque Heian, mais détruits par des incendies, les bâtiments actuels datent de 1571.
Comme le sanctuaire est bâti en mer, ses fondations sont immergées dans l’eau, mais quand nous approchons, seules les rigoles de l’averse se déversent dans la mer…
Chemin bordé de lanternes de pierre…Une fois l’entrée passée, de longues passerelles couvertes de toits de chaume se succèdent et amènent jusqu’au hall principal, au creux de la baie. Galeries, ponts, pavillons et sanctuaires et même une scène Nô…Couleurs…Odeur de la mer…La foule des touristes a quitté l’île, le calme a pris possession des lieux ! Seuls ou presque, en silence, nous parcourons les nombreux bâtiments.
Nous profitons de la marée encore assez basse pour aller jusqu’au torii, admirer cette construction monumentale qui se dresse face à la mer…avant de nous installer sur le ponton du sanctuaire et assister à la montée des eaux jusqu’au coucher de soleil. La silhouette du torii se détache en ombre chinoise sur le ciel mauve et doré et semble flotter : Un moment magique ! Délicieuse attente jusqu’à l’illumination de nuit du sanctuaire, quand le torii devient doré !
Il faut retourner à l’auberge par les rues éclairées par les lanternes de papier suspendues aux devantures des boutiques, pour déguster la spécialité locale (Dotenabe : huîtres mijotées avec des légumes, du miso, du tofu…), puis revenus au riokan, prendre le temps de profiter des bains à la japonaise (un petit bassin pas trop chaud ce soir, 40° seulement)
Chaussures déposées devant la porte, futons simplement posés sur le tatami, mais sommeil rapide !
Nous quittons l’île tôt le matin. Le temps est serein, chaud…Les biches se réveillent doucement ; des écoliers attendent le premier ferry. Retour à Hiroshima : Émotion devant le dôme de Genbaku, en parcourant le parc de la paix, pendant la visite du musée. Je garderai précieusement la petite grue (origami) que m’a offerte une petite fille ce matin.
Nous revenons sur l’île de Miyajima qui connaît des règles spécifiques : il est interdit d’y naître, d’y mourir ou d’abattre un de ses arbres : la végétation primitive a été conservée dans son état d’origine. En plein été, les rivages de l’île se recouvrent du violet vif des fleurs d’Hamagō et du blanc des Mimizubai. C’est aussi le domaine de nombreux animaux sauvages, tels que les cerfs Sika.
Le soleil est revenu, peu de nuages.
Cette après-midi, nous prendrons de la hauteur ! Nous grimperons au sommet du Mont Misen (530 m) qui se situe au centre de l’île. Deux téléphériques successifs surplombent la forêt primaire, 15 minutes de montée sous un soleil de plomb pour une vue magnifique sur la Mer Intérieure de Seto et ses îles. Au terminus Shishiiwa, se trouve un observatoire avec une vue sur toute la baie. ! La brume est tombée ; nous voyons jusqu’à Hiroshima !
Equipés de nos chaussures de marche, nous attaquons l’ascension…par une descente ! Courte…avant la pente plutôt raide…Pas la peine d’essuyer les gouttes de sueur qui coulent sans fin de tout le corps ! 30 minutes de montée sous un soleil de plomb, ça peut être assimilé à de la torture moderne…
La montagne abrite différents lieux spirituels qui rappellent les actions saintes entreprises par Kobo Daishi. Nous arrivons d’abord au Misen Hondo (le pavillon principal), le temple où il a réalisé son entraînement bouddhiste. Il abrite la cloche du temple. La purification rituelle nous permet de rafraîchir mains et bras à la source sacrée !
Jusqu’au sommet, cinq temples ; les japonais (nombreux) y font leurs dévotions, rituels rapides et bruyants ! le Reika Do où brûle la flamme éternelle (elle est là depuis 1 200 ans), le Sankido, seul temple au Japon où l’on vénère des démons, Kannon Do et Monjyu Do (le premier accueille les prières pour un avoir un accouchement facile et le deuxième pour une réussite scolaire), Dainichi Do (temple gardien du sanctuaire Itsukushima)…
Sur le chemin, on croise des petits bouddhas, des rochers « magiques », dont le Kuguri iwa, le « rocher “arche”, formé naturellement par d’énormes rochers. Le franchir est un passage obligé pour accéder au sommet du Mont Misen.
Nous y sommes ! Rochers aux formes étranges (un en forme de baleine …).
La vue sur la Mer Intérieure et ses îles est incroyable. Panorama à 360 ! Malgré une légère brume de chaleur, on aperçoit les montagnes de Shikoku, et la petite île en diamant !
Les pancartes mettent en garde contre les araignées et les serpents, les abeilles japonaises…
Nous décidons de « redescendre » à pied ! Des 3 parcours possibles, nous choisissons celui qui mènera au Daisho-in, pour sa vue dégagée permettant d’admirer de magnifiques paysages (2 heures, 2000 marches, emprunté depuis très longtemps par les pèlerins, beaucoup de montées ! oui, oui…). L’île est relativement petite et les chemins y sont très balisés. Mini temples bouddhistes, végétation dense (sapins, chênes et pins), cascades, cigales, oiseaux (difficiles à apercevoir mais cris toujours présents), papillons et lézard ( ?) à queue bleue…
La mer se rapproche ; Une vue furtive sur le torii vermillon, nous sommes arrivés au Daisho-in, vaste complexe bouddhique d’une grande beauté, aux multiples bâtiments majestueux à l’architecture épurée dans son écrin de végétation luxuriante.
Une vraie chasse aux trésors : les trois singes de la sagesse se cachent derrière un buisson, des bébés Bouddhas flânent dans l’herbe, cinq cents statues bouddhiques se pressent le long d’un escalier…
La luminosité baisse ; notre chemin s’achève près de la pagode située à l’entrée du sanctuaire. Le temps d’admirer encore et encore le torii majestueux…
Les biches sont couchées sur la plage, prêtes pour la nuit.
Nous retournons dans notre ryokan pour notre dernière nuit sur l’île.
Un bain dans le petit bassin de l’auberge (idéal pour décontracter les pieds et le corps !), et c’est l’heure du repas (ce soir « anago Meshi », riz cuit à la vapeur, couvert de congre grillé et badigeonné d’un mélange à base de sauce soja).
Demain, le soleil se lèvera à 5h17 ; la mer montera doucement sous le torii. Nous partirons vers le Kyushu et Nagasaki…