Séjour à CEILLAC – 29 Juin 5 Juillet 2022
par Monique
Après le séjour à Chorges, il était prévu ce séjour dans une autre partie du Queyras, mais l’épidémie de COVID l’a retardé, et même encore perturbé. Mais nous sommes vaillants en ce matin de fin juin, par grand beau temps, l’autocar prend l’autoroute de Lyon puis de Grenoble (arrêts à l’aire de la Loire puis à celle de l’Ile d’Abeau), et quand nous attaquerons les routes de montagne, nous rejoindrons Ceillac d’une traite, d’abord par la route Napoléon, la côte de Laffrey, Gap, le lac de Serre-Ponçon (on passe près de Chorges, on revoit le Grand Morgon) et après Embrun, la vallée du Guil, Château-Queyras, on prend la route de Ceillac : 18 épingles à cheveux pour rejoindre la petite station où s’arrête la route (elle ne continue que pour mener à quelques hameaux de vallée et au départ des pistes de ski). Mais le site est superbe, la ville est entourée de montagnes, le VVF, en hauteur, offre à tous une vue magnifique dans des studios sur deux niveaux avec terrasse. Nous nous installons et la réunion d’accueil nous indique les conditions pratiques et surtout nous présente nos guides : Yves, Célio, Christian, et Jérémie se joindra aussi à eux. Yves annonce le programme prévu, mais il sera modifié en fonction du temps et des possibilités de chaque groupe car le dénivelé peut en décourager quelques-uns…
Le lendemain, les choses sérieuses commencent, et de bonne heure ! Il faut monter au belvédère de la Mourière, en partant du village après avoir traversé le Cristillan qui a été renfloué un peu plus haut par le Mélézet. Le sentier monte en zig-zag dans le bois, rapidement il se forme trois groupes selon la vitesse choisie ! Les plus rapides iront au-delà du belvédère, sur un rocher qui le surplombe, avant de rejoindre le second groupe pour le pique-nique, et d’aller sur l’autre vallon en balcon, avant la descente difficile pour tous. Un troisième groupe montera plus lentement pour pique-niquer sur un belvédère plus modeste puis bifurquer à la descente à l’endroit d’une grande pierre plate gravée par des bergers. Mais les trois groupes jouiront de paysages époustouflants et des connaissances passionnantes des guides : botaniques, géologiques, ornithologiques… Orchidées, raiponces noires, les différents épineux (mais pas de Douglas), le chant du casse-noix qui plante le pin cembro…. La descente est à l’aune de la montée…
Les groupes se reconstituent le vendredi pour monter aux trois lacs. Pour aller au lac Miroir, on suit le cours du Mélézet. Le lac est envahi de végétation aquatique, alors que le site du lac Ste Anne est beaucoup plus bucolique, avec un beau pâturage avec des chevaux. Célio nous montre « la forge », ce tronc d’arbre où le casse-noix prend les graines du pin cembro… Au dessus du lac, se trouve la chapelle Ste Anne, pendant le pique-nique au lac, un hélicoptère se pose pour ravitailler les troupeaux en sel pendant l’estive. La descente se fait par le vallon, en se retournant on voit la Fontsancte. Un quatrième groupe décide de faire un circuit plus serein, le long de la vallée des légendes envahie de papillons, avec pique-nique au pied de la cascade de la Pisse et montée jusqu’au refuge un peu plus haut.
Le samedi, c’est le sentier du Vior, sur l’autre versant de la vallée, d’où se lancent les ailes volantes. Là encore, trois groupes qui prennent des chemins différents, mais tout le monde redescend à l’auberge de la cascade où un grand plateau de bois offre à chacun toutes les spécialités culinaires du lieu : la planche du Mélézet. Le retour se fait par la vallée des légendes avec ses sculptures en bois de multiples personnages familiers des enfants.
Le dimanche matin, visite de Ceillac avec une guide historienne aux Archives. Je serai plus précise que sur les chemins de randonnée : il est plus facile de prendre des notes !! Nous nous retrouvons devant l’église St Sébastien, un peu avant l’heure de la messe. La plus ancienne église du village est celle de Ste Cécile, un peu plus bas dans la vallée, où se trouvait le premier village du XIème siècle détruit par des intempéries. Le nouveau se construit sur le torrent un peu plus tard, XIVème, où se trouvent fontaines et moulins, Ste Cécile est trop loin, la commune veut une autre église fin XVème, ce sera St Sébastien. La nef a deux travées, deux voûtes dont l’une est en plein-cintre. Le clocher, modeste, est un clocher-mur en triangle, mais l’église devenue trop petite est agrandie par une nef à l’Ouest et une chapelle des pénitents dont la confrérie s’est enrichie : on élargit le clocher et le dote d’une toiture, il devient un clocher à peigne. Au-dessus de la porte, un trompe-l’œil, et en 1732 un cadran solaire qui donne l’heure du soleil à Ceillac. Devant l’église, une croix de mission de 1814 dont le Christ a été remplacé en 2014. Le portail comprend une colonnette et une voûture. Le décor du tympan est une rosace de l’Embrunais, avec deux visages et une croix. Sur le linteau, de 1501, la signature CHAZ Tardini, archevêque d’Embrun avec les monogrammes du Christ et de la Vierge. Une croix trilobée sur un écu présente une couronne (pouvoir temporel), une mitre et une crosse (pouvoir spirituel).
À l’intérieur, la nef a donc les trois travées d’origine, en 1667 on rajoute une travée et on communique avec la chapelle. Au fond de l’église, la cuve des fonds baptismaux est sculptée, on y devine une influence piémontaise. Le Christ en bois de la mission de 1814 est une sculpture locale, travail d’hommes et parfois de femmes de la vallée. Le retable (« ce qui est derrière la table de l’autel », retro-tabula) est en bois doré du XVIIIème baroque. L’art baroque s’est développé pendant la Contre-Réforme pour s’opposer à l’austérité protestante : niches avec statues de saints, anges, décors végétaux. Il y a deux niveaux de niches, une coupole, deux anges (ce sont des reproductions, ils ont été volés), le tabernacle. En revenant vers le chœur, on voit les peintures qui ont été découvertes sous un enduit, lorsque l’on a procédé à la restauration qui a suivi la grande inondation du village. Certains personnages ne sont pas identifiés, mais dans une corniche en trompe-l’œil, Dieu en mandorle a un globe terrestre dans une main et bénit de l’autre. De part et d’autres, les anges musiciens sont sur fond de tiges végétales. On date les peintures de la Renaissance parce que les feuilles sont fines comme on les peignait au XVIème. Au-dessous, trois scènes de la vie de St Sébastien : à gauche, l’empereur romain lui donne le commandement de la troisième cohorte, mais Sébastien est chrétien, à droite, il invite l’empereur à devenir chrétien, on a perdu la suite, il s’agissait certainement de son martyre. Les tours de la prison sont représentées en marbre rose, (c’est un calcaire rose encore peu transformé, on en trouve un peu partout, alors que le marbre est plus métamorphosé), ce qui fait penser à l’œuvre d’un peintre italien.
À la sortie de l’église, on monte dans le village, pour en voir l’architecture qui correspond au mode de vie des deux vallées. Elles ont des terrasses cultivables jusqu’à 1600 m, c’est un terroir agricole. Les pentes herbeuses sont des pâtures, les vaches paissent parfois très haut. Dans certaines vallées, on a une maison permanente pour l’hiver (de Noël à mars-avril), plus haut la neige subsiste mais a fondu : on va à la maison du haut de juin à octobre et on redescend à un étage intermédiaire d’octobre à Noël, d’où les coffres que l’on transporte dans chaque maison. C’est propre à ces vallées, on n’a pas cette organisation à Saint-Véran. On ne parle pas de « chalet » (vocable suisse probablement), mais de « montagne ».
Il y a ici deux maisons caractéristiques, en bois, grandes parce l’hiver est rigoureux : la grange en occupe les deux tiers. Le premier niveau est maçonné, puis on monte des madriers de mélèze. Il n’y a pas de balcon mais des loggias pour sécher les récoltes. Il y a une potence dans une porte et une autre porte d’aération pour éviter toute fermentation. On rajoute des bouts quand on en a besoin ! Avant la Révolution, la couverture était en chaume mais cela était dangereux en cas d’incendie (par exemple en cas de foin fermenté, ou de cheminée mal entretenue). Dès 1737, on a des témoignages de visites des cheminées. On dort avec les bêtes.
Dans la rue, on voit un porche qui donne sur un hall d’entrée qui comporte deux rampes. Le pavage est en mélèze « bois debout ».
Nous partons vers Ste Cécile, dans le village de la Clapière qui existait au XIIème, maintenant ce qui reste de plus ancien est des XIV et XVèmes. L’église est fermée, on en voit le chevet en pierres de taille, comme le clocher avec une flèche octogonale : clocher roman-lombard, avec un quart de pyramide à chaque angle. Le pilier et la frise d’arcature rappellent la cathédrale d’Embrun, sur le portail la piéta est du XVIème siècle, la Vierge est représentée sous les traits d’une femme âgée, le voile cache le cou et les cheveux. Les deux atlantes signalent qu’il y avait un porche, une peinture représente la chevauchée des vices et l’enfer dont il ne reste que le Diable. Le cimetière entoure l’église, les tombes sont seulement entourées d’un cadre en bois. Ce sont des tombes modestes sans perpétuité. Jusqu’au XVIIème on note les décès en Latin, au XVIIIème en Français.
L’après midi : Il fait très chaud ! La randonnée des trois groupes les conduit dans l’autre vallée qui aboutit à Ceillac, jusqu’au hameau de Villard puis en balcon.
Le lundi, la chaleur impose de changer le circuit prévu en plein soleil. Les guides proposent donc de repartir vers Villars, un chat décide de suivre les marcheurs ! Le premier groupe monte par un sentier abrupt jusqu’au col Fromage par des passages pierreux. La descente se fait par les Chalmelles et sa petite chapelle. Il faut redescendre rapidement, les premières gouttes de pluie tombent à l’arrivée sur Villars mais les trois groupes seront revenus juste avant l’orage qui ne dure qu’une demie heure, et qui laisse à nouveau la place au grand soleil.
Le mardi, le retour reprend la descente de Ceillac et la vallée du Guil, mais cette fois nous passons par Briançon et le col du Lautaret qui annonce le passage du Tour de France. Il n’y a pas d’aire d’arrêt sur les routes de montagne, il faut attendre Grenoble et le Casino de Fontaine, le long du Drac, pour se restaurer. Nous reprenons l’autoroute en début d’après-midi (très chaud…), un arrêt sur l’aire de la Loire, et retour à Ceyrat vers 18 h45.
Ce fut une semaine riche des paysages pour les grands et moins grands marcheurs, les petits tours dans le village nous ont fait aussi apprécier quelques boutiques et bistrots sympathiques, le séjour a été moins agréable pour ceux qui ont dû s’isoler quelques jours (l’épidémie s’est invitée…). Mais la belle entente habituelle était bien là… Comme il n’est pas question de prendre des notes en marchant (!!) les descriptions des paysages sont succinctes mais je laisse le soin de remplir ce vide à tous les photographes de grand talent qui ont mitraillé car il y avait de quoi faire !