Dimanche 22 septembre : Visite à Guédelon (2)
par Monique, Josiane et Jean-François
Le résultat est époustouflant. Tout ce qui est déjà construit et que l’on visite nous donne l’impression d’être dans un château du XIIIème, avec ses qualités et ses défauts (les tours, dont les murs font 1,5 m d’épaisseur, montrent à l’extérieur comment on utilisait les belles pierres pour les étages nobles, et les moins belles et moins bien taillées pour les autres…). L’ensemble du château est bien avancé : la cour est fermée, les quatre tours sont construites sinon toutes couvertes, les bâtiments d’habitation sont terminés, la chapelle et la maçonnerie de l’entrée sont en cours cette année.
Le travail se fait dans des ateliers autour ou dans la cour, dans la forêt pour le moulin ou la carrière. Notre guide nous laisse et nous invite à continuer en allant d’un atelier à l’autre, où les oeuvriers répondront à toutes nos questions tout en continuant leur travail.
Cette visite au gré de nos déambulations est passionnante. Un groupe bien inspiré a commencé par le moulin (parce que l’après-midi, il a plu et la balade en forêt était moins agréable !), qu’il faut trouver près de la rivière et qui a été construit avec le bois coupé sur place, les outils fabriqués sur le chantier, les techniques traditionnelles : le tourneur sur bois travaille avec un tour actionné au pied par une corde et il fabrique des écuelles maintenant que le moulin est parfaitement en fonction.
Mais il faut aller partout ! La carrière est en exploitation, c’est une carrière de grès de couleurs différentes (que l’on retrouve sur le château), on fabrique sur place le mortier avec de la chaux venue de la région que l’on mélange au sable et à l’eau, dans la cour du château travaillent les maçons (on maçonne la tour principale), les dessus de porte sont en calcaire taillé venant de carrières voisines.
Les tailleurs de pierre ont des modèles en bois ou gabarit, ils taillent chaque pierre et gravent dessus leur nom (pour être payés à la tâche) et les marques de pause et les flèches pour placer la pierre. Pour transporter les pierres, il n’a que des charriots à bras !
Pour les charpentes, il faut des bûcherons, des écarisseurs, des charpentiers qui travaillent tous en extérieur, sous des abris construits sur place avec les matériaux du crû et les outils façonnés dans le fer extrait de la carrière et obtenu sur place. L’écarissage consiste à rendre carré le tronc d’arbre coupé à la hache, puis dans la loge on fait les trous destinés aux chevilles. Quand les pièces de charpente sont taillées, on voit si elles s’emboîtent et on les redémonte pour les emporter en charrette vers la tour qu’elles vont couvrir. Il a fallu 265 pièces de bois pour le toit de la chapelle.
Les toits sont en tuiles d’argile fabriquée et cuite sur place pour les bâtiments importants (le four a une capacité de 4000 tuiles qui, après le préchauffage du four, cuisent de 6 h du matin à 23 h et refroidissent quelques jours),
en tavayons pour les autres.
Les tavayons sont en chêne fendu en lattes, l’arbre est travaillé vert, sans traitement. Un toit recouvert de tavayons dure environ 15 ans si on y laisse la mousse, 100 ans si on le démousse. La chapelle a demandé 7500 tuiles, le bâtiment de la cour 24000.
Les grues pour monter tout cela sont d’énormes roues à écureuil.
Il faut voir aussi la forge, la corderie, le tissage, les teintures obtenues soit à base de plantes locales (il y a bien sûr un jardin !), soit à base de minéraux du site. Au milieu de tout cela il y a des volailles (poules, oies), des chevaux qui aident au transport éventuellement. Les artisans ont retrouvé les gestes fondateurs de leurs métiers et le résultat est à la fois d’une grande technicité et d’une grande beauté. Le décor peint des pièces d’apparat du château est extraordinaire, on y fait le pain avec la farine de moulin et le four du lieu. Ce mélange de vérité historique et de beauté rude des œuvres de nos ancêtres nous laisse conquis, sans bataille, par le Seigneur de Guédelon !