Journée au moulin des Desniers, 3 décembre 2023
par Monique, Christine P. et Marie-Françoise
C’est un des premiers jours où nous avons du givre cet hiver, mais le temps est ensoleillé et le trajet pour aller au-delà de Charbonnières-les-Vieilles est beau, jusqu’au moulin bien isolé dans la vallée du petit ruisseau qui l’alimente. Nous sommes accueillis par Claude qui nous annonce le déroulé de la journée, déterminé par le temps nécessaire au pain : pétrissage, repos de la pâte, mise en forme (« pointage ») et cuisson. Claude nous parle de sa passion pour les moulins, qui l’a amené dans ce bel endroit où il partage son savoir-faire et son enthousiasme. C’est que ce moulin a une histoire, Claude a connu la dernière meunière, Marie, née ici, fermière, femme de meunier, décédée à l’âge de 99 ans. Le moulin était là depuis le XVI ème siècle et il a tourné jusqu’en 1963, date à laquelle le meunier a eu un accident et a arrêté son activité.
La salle dans laquelle nous nous trouvons est l’ancienne étable de la ferme, nous allons y faire le pain, trois personnes par bassine dans laquelle on met d’abord la levure, puis des graines (millet, sésame, avoine, pavot), puis l’eau et la farine, et il faut pétrir, longtemps, en ajoutant farine ou eau selon la pâte. On se relaie (ou pas…) pour touiller, c’est dur !
La qualité du pain dépend de celle de la farine, nous allons faire un pain de campagne, sans additif (37 produits autorisés pourraient être ajoutés !).
Nous laissons reposer la pâte un petit quart d’heure en sortant voir les autres bâtiments du hameau (maison d’habitation des enfants des anciens meuniers, four, moulin et sa belle roue en bois, bief et canal qui amène l’eau retenue dans un petit étang, et pré où paissent deux ânes) et nous revenons pour une histoire des moulins illustrée par les belles maquettes tout autour de la salle.
Les plus anciens d’abord, moulins à vent dès le XII ème siècle, en Angleterre et en Normandie. Le travail du meunier était dur, parce que les toiles étaient fragiles et il fallait « habiller » le moulin le matin en montant fixer les huit toiles sur l’armature en bois, orienter le moulin selon le vent (le « moulin chandelier » tournait tout entier pour cela), déshabiller le moulin le soir pour éviter toute dégradation pendant la nuit (les pales ne doivent pas tourner trop vite, comme dit la chanson…) Plus tard apparaît le moulin-tour, dont seul le toit tourne, avec une invention remarquable du charron Buthon qui fait des ailes modulables qu’il ne faut plus mettre et enlever tous les jours.
Les moulins à vent étaient impressionnants : ils étaient à l’écart des routes parce que les ailes qui tournent pouvaient effrayer les chevaux, et maintenant encore détourner l’attention des automobilistes ! Elles étaient aussi dangereuses, en passant au ras du sol entraînées par le vent, c’est pourquoi il y avait deux portes aux moulins pour que l’on puisse entrer par celle qui n’était pas proche de la rotation des ailes. C’est pour cela que l’on « entre comme dans un moulin « !
Nous façonnons nos pains (trois par bassine), les plaçons sur une toile, et partons déjeuner à l’auberge de Saint-Angel : belle table d’apéritif (avec un anniversaire…), salle de restaurant qui nous est réservée et où le repas est en service libre à volonté, avec recettes traditionnelles et exotiques, comme le « rhum arrangé » maison.
Nous revenons au moulin pour aller d’abord dans le four allumé depuis longtemps : les braises sont prêtes pour la cuisson. Le four a encore un grand bac à lessive en pierre avec un trieur de cendres, au temps où l’on faisait la lessive deux fois par an avec des cendres, et où on la blanchissait sur pré par la rosée …
Nous montons vers le bief qui reçoit l’eau de trop-plein du Gour de Tazenat, lui-même alimenté par des sources : ce cours d’eau a toujours de l’eau, à la différence de la Morge, et a alimenté jusqu’à 13 moulins, il n’en reste que 6. Notre guide ouvre la vanne, l’eau part dans le canal mais cela ne suffira pas à faire tourner la grande roue car la deuxième vanne est gelée.
À l’intérieur du moulin, si on ne le voit pas tourner, on comprend mieux le fonctionnement complexe de la machinerie impressionnante avec les deux paires de meules. Le moulin peut produire 300 kg de farine à l’heure, dans une minoterie contemporaine, on produit 27 000 kg à l’heure avec seulement un ouvrier !!
Nous revenons vers les dernières maquettes de moulins plus récents dans la grande salle, dont une qui regroupe plusieurs catégories de moulins, car la force du vent ou de l’eau pouvait servir à d’autres fonctions que faire de la farine, comme nous l’avons vu récemment à la forge de Buffon.
Et il est temps de récupérer nos pains, bien cuits au bois !
Quelle belle journée, studieuse, goûteuse et instructive !