La Dame de Montrognon (partie 2)
élaborée céans par Messire Georges, contée par Dame Suzanne
En dehors des fêtes, on vivait simplement dans les châteaux de province ; un énorme plat de bœuf bouilli, de choux, de navets et de carottes trônait sur la table, un rustre faisait office de maître d ‘hôtel.
Les deux hommes partagèrent le plat en buvant des hanaps de vin et en devisant, mais la châtelaine ne parut pas à table, Messire Guillaume s’aperçut du peu d’appétit de son hôte : – A! Galantin, c’est notre chère châtelaine qui vous manque -,
En partant, le trouvère regarda le chemin de ronde, espérant y voir une silhouette…
En ce jour d’octobre, on vendangeait sur les vignes de Beaumont ; paysans et charrettes s’affairaient.
À Mont Rognon, messire Guillaume s’était armé pour la guerre ; il sortit du château suivi de 10 lances et d’une cinquantaine d’archers. Le châtelain avait le sang chaud, tout pour lui était sujet à querelle, il descendit vers Beaumont.
Cette fois, il visait les charrettes chargées des bacholles du vin destiné à l’abbesse du couvent de Beaumont avec qui il avait un contentieux pour lequel il avait perdu jusque devant le Parlement de Paris : il entendait se faire justice lui -même en s’emparant de ce qui revenait à l’abbesse.
Mais vers quatre heures de l’après midi, on lui fit dire qu’une troupe nombreuse de gens armés montait de Clermont.
Pendant ce temps, le trouvère Gaspard de Mirasol – Hugues de la Roche Amblard – s’était rendu au château, sur l’invitation que lui avait faite Guillaume, désireux de distraire son épouse.
Aussitôt en sa présence, Louise le reconnut ; il lui reprocha sa trahison, mais… ils se réconcilièrent vite.
Hugues lui dit qu’il refusait qu’un autre que lui – même soutienne le défi des Templiers ; il fut convenu que le seigneur d’Opme mettrait à sa disposition destrier et armes vers les grottes de Jussat, là où il se cachait.
Cependant, en arrivant au château, Hugues avait été repéré par un espion des Templiers qui avaient été aussitôt prévenus.
Voyant arriver le commandeur Guy d’Auvergne, Louise fit sortir Hugues par le souterrain du château en lui faisant promettre de ne pas revenir.
Mis en présence de la châtelaine, Guy l’accabla de reproches et décida d’attendre le retour du seigneur de Mont Rognon pour dénoncer son épouse, -Vous êtes un infâme ! s’écria la châtelaine –
Informée des pillages provoqués par Guillaume de Mont Rognon, l’abbesse de Beaumont avait fait prévenir l’évêque et comte de Clermont qui ne pouvait pas faire autrement que de venir au secours d’un membre de l’Église ; de plus les deux maisons d’Auvergne ne s’aimaient pas pour une raison compréhensible.
Une troupe sortit de Clermont par la porte des Cordeliers, 90 hommes environ, lances, archers ,le reste en infanterie de la milice bourgeoise, sous les ordres du bailli de l’évêque et se dirigea vers Beaumont.
La confrontation tournait au profit de Guillaume, soldat averti, lorsque qu’un archer clermontois, armé d’une arbalète, atteignit le châtelain de Mont Rognon au défaut de la cuirasse ; il mourut rapidement.
Apprenant cela, Guy d’Auvergne ne pouvait que retourner à Chanonat.
Le jour était venu où celui qui devait soutenir la cause d’Hugues allait affronter le champion représentant le saint ordre du Temple, nous sommes le 13 octobre 1307.
Un champ-clos avait été préparé sur le bord de l’Auzon, entouré d’une palissade et à une extrémité une estrade pour le juge du combat. Messire Robert du Mesnil était le champion des Templiers et le bailli de Montferrand accepta d’être le surintendant du champ-clos.
Une grande foule s’était rassemblée à Chanonat, une distraction de ce genre était rare.
Vers 2 heures de l’après-midi, on vit apparaître le bailli à la tête d’une nombreuse troupe, 30 lances et 60 servants d’armes, et on s’étonna dans l’assistance qu’il se fit ainsi accompagner, pour une aussi mince affaire.
La troupe ne se dirigea pas vers l’Auzon mais vers le prieuré. Ayant mis pied à terre, le bailli annonça à Guy d’Auvergne : – Messires, au nom du roi, je vous arrête, ajoutant qu’une telle mesure envers les Templiers avait lieu au même moment dans toute l’étendue du royaume.
Bien sûr, le commandeur protesta mais on l’obligea à se soumettre.
La foule se dispersa.
À 3 heures, heure fixée pour le combat, Hugues se présenta, armé de toutes pièces , précédé d’ un héraut, mais ne voyant personne, il repartit.
Ainsi la châtelaine de Mont Rognon était veuve ; elle avait 23 ans et un riche douaire.
Son premier soin fut de plaider la cause de l’âme de son mari qui, ayant fait subir des avanies à un couvent, risquait bien d’être damné. Avec la promesse d’un calice en vermeil et d’une fondation pour faire dire des messes pour le repos de son âme, elle obtint la mansuétude épiscopale.
Elle remit Mont Rognon au dauphin d’Auvergne et se retira dans la maison seigneuriale de Durtol dont elle avait hérité de sa mère.
Elle vécut dans la solitude pendant cinq ans, bien que les plus nobles seigneurs fussent venus se brûler au feu de ses prunelles.
Cependant un courrier lui venait d’on ne sait où chaque semaine ,,,
Un beau jour de 1312, Hugues de la Roche Amblard vint lui rendre visite, accompagné de son père, Jean d’Allanche : il portait un bel uniforme et montait un cheval fringant dont la housse était fleurdelisée, il était devenu capitaine des archers de la garde du roi. Un parent qui avait ses entrées à la cour papale, avait obtenu qu’il fut recommandé auprès du roi, comme victime de l’ordre qui venait d’être aboli.
Hugues revint voir Louise les jours suivants, seul et quelques temps après, il obtint sa main et se marièrent.