Une pierre énigmatique

par Jean-François Guerveno

Villeneuve-Lembron

Villeneuve-Lembron

   Après une randonnée menée par Claude le 12 février 2020 et qui nous fit traverser Villeneuve-Lembron, Jean BRINGUET (le 2ème président de CBN), à qui je parlais du village et de ses 2 châteaux, me demanda si nous avions remarqué la grande pierre qui se trouvait sur la place à peu de distance de la fontaine. Je répondis que oui et qu’elle nous avait intrigués.

   Il me dit que c’était une pierre de partage (appelée aussi pierre de reinage) et que je devrais appeler Mme BALDO (une de ses amies) qui avait fait partie du groupe de CBN, ayant fait la traversée des Pyrénées de 1998 à 1991.

Villeneuve-Lembron

Villeneuve-Lembron

Villeneuve-Lembron

Villeneuve-Lembron

  Contactée, Mme BALDO, qui a vécu à la ferme de la Borie Basse (un hameau de Villeneuve-Lembron), m’a confirmé que cette pierre avait servi avant la Révolution pour le partage de la dîme due au clergé et qu’il en existait deux autres : à Mareugheol et à Ternant-les-Eaux. Selon la tradition transmise entre les générations, la pierre servait de support pour se partager les produits de la dîme entre les divers destinataires au sein du clergé. Mais Mme Baldo ne savait rien des personnages qui présidaient à cette cérémonie, ni son déroulement.

   J’ai profité d’une de nos randonnées dans le secteur pour me rendre à Marheugeol et j’ai effectivement découvert à l’angle d’une des tours du fort médiéval un enclos (de forme un peu trapézoïdal) entourant une longue table de pierre reposant sur 3 socles de pierre également. Cette table est en 2 parties (peut-être suite à une cassure). Un arbre a poussé dans un des angles de cet enclos.

Marheugeol

Marheugeol

Marheugeol

   Je n’ai pas eu l’occasion jusqu’à présent d’aller à Ternant-les-eaux, mais j’ai consulté internet pour voir ce que je pouvais trouver sur ces pierres de partage, rainage ou reinage (l’orthographe du mot n’est pas sûre).

   Résultat : RIEN sur ces pierres si particulières ! La documentation qui existe ne concerne que des pierres appelées de Dîme ou de Redevance et qui servaient à mesurer les quantités et non à les partager.

   Ces pierres de dîme sont d’ailleurs aussi rares que ces pierres dites de partage ou de reinage. Mais il en existe cependant quelques unes dans le Puy-de-Dôme. Par exemple :

Pierre de la dîme à Prompsat

Pierre de la dîme à Prompsat

à Prompsat dans le hameau de Chirat au pied d’un abreuvoir et d’une croix

   La pierre-étalon est creusée de 5 empreintes destinées à recevoir des appareils de mesures. Les capacités relatives à la Pierre de Chirat sont environ de 0,75 l ; 1,75 l ; 2,3 l ; 17,5 l et 56,75 l.

Chatel-Guyon_-_Pierre_de_la_dîme

Chatel-Guyon_-_Pierre_de_la_dîme

à Chatel-Guyon place de l’Orme (elle daterait du XVème siècle)

 

et, peut-être à Billom à côté de la place du Creux du Marché sur le Pont de la rue Notre-Dame (près de l’ancienne maison du poids public). Mais ces 3 boisseaux semblent avoir plutôt servis pour les marchés qui se tenaient à proximité et non pour la collecte de la dîme.

Boisseaux à Billom

Boisseaux à Billom

Boisseaux à Billom

Boisseaux à Billom

Pierre de Dîme à Aubière

Pierre de Dîme à Aubière

   En outre, des pierres, des bornes et des granges aux dîmes ont existé. Un article de la Montagne du 12 mars 2020 attirait notre attention sur une pierre de dîme du chapitre de Clermont trouvée dans la propriété d’une famille d’Aubière et offerte à l’ASCA (Association pour la Sauvegarde des Caves d’Aubière). 

   Rappelons que la dîme a été adoptée par l’Église avant le VIIe siècle et rendue obligatoire au siècle suivant sous Charlemagne. Elle consistait en une redevance en nature portant principalement sur les revenus agricoles (la 10ème partie de la récolte).

   La dîme était prélevée sur des produits très variés tels que les grains, le vin, les fruits, les arbres, les petits des animaux, le foin, le lin, la laine, le chanvre, les fromages.
   La dîme, au Moyen Âge, est destinée à permettre l’exercice du culte par l’entretien du clergé et des lieux de culte, et à fournir assistance aux pauvres.
   La dîme fut abolie avec les privilèges de l’ancien régime le 4 août 1789 pour laisser ensuite la place aux Impôts.

   Alors, en conclusion, je dirais que ces pierres de partage ou de reinage à Villeuneuve-Lembron et à Marheugeol conservent tout leur mystère et qu’elles attendent des historiens pour nous éclairer sur leur existence et les manifestations qui s’y tenaient.