Culture de maïs semence en Limagne.

Une histoire de reproduction contrariée.

Il arrive que nos randonnées nous amènent en Limagne. Nous nous interrogeons parfois au printemps en voyant des rangées de paillage plastique étendues sur le labour, ou bien en d’automne lorsque certaines rangées de maïs ont perdu leur fleur, tandis que d’autre l’ont gardée.

principe de l'hybridationComme les semences actuelles de nombreuses cultures, celles de maïs sont des hybrides, c’est à dire qu’elles sont issues d’un croisements de variétés différentes. Il y a donc en amont un important travail de recherche pour sélectionner des lignées pures, de caractéristiques et d’origines très différentes, et pour évaluer les résultats de leur croisement. Les hybrides retenus par les chercheurs sont ceux qui possèdent des qualités exceptionnelles de rendement, de vigueur, de résistance au vent, à la sécheresse ou aux insectes. Il s’agit donc de les cultiver pour les commercialiser. Or une caractéristique forte des hybrides, c’est qu’ils perdent toutes leurs qualités à la 2ème génération. Pour conserver un bon rendement l’agriculteur devra donc racheter sa semence de maïs chaque année auprès des firmes qui possèdent ces hybrides et en contrôlent la production.

Panicule des plantes mâles et soies des plantes femellesMais revenons à la terre de Limagne ou on va semer côte à côte deux variétés différentes dont l’une (le mâle) doit avec le pollen de sa fleur venir féconder l’autre (la femelle) au travers de ses soies. Mais s’agissant de variétés à cycles végétatifs différents, il va falloir faire un calcul savant pour que le pollen du mâle arrive au moment précis ou les soies de la femelle pourront le recevoir pour conduire à la fécondation. Ceci explique que l’une des deux variétés puisse être semée plusieurs jours avant l’autre et être recouverte d’un film plastique pour accélérer sa croissance. Plantes mâles sous plastique. Préparation du semis des plantes femellesOn prévoit généralement deux rangées de plantes mâles pour quatre ou six rangées de femelles. Il pourra donc arriver que l’une ou l’autre des deux variétés soit recouverte d’un film de paillage posé à la machine. Le film est muni d’entailles dans sa partie centrale pour le passage des jeunes plantules et maintenu en place par deux petits andains de terre latéraux.

Un autre problème se pose à la fin du printemps. Chaque pied de maïs possède des organes mâle et femelle et il faut absolument être certain que la variété choisie comme femelle, ne reçoive du pollen que de la variété choisie comme mâle. Pour éviter que les femelles ne se pollinisent elles mêmes, et entre elles, on va donc arracher ou couper la panicule (fleur) des femelles avant qu’elle n’émette son pollen. Castration manuelle des plantes femellesCette opération fatigante qui s’étalait sur 2 ou 3 semaines a longtemps été effectuée manuellement par des groupes de jeunes saisonniers hébergés aux abords des fermes. Aujourd’hui elle est majoritairement réalisée à la machine malgré un inconvénient qui tient à la hauteur parfois inégale des pieds femelles. Si la plante est coupée trop haut, il pourra y avoir émission d’un peu de pollen; si elle est coupée trop bas, la perte de feuilles nuit à son bon développement. Ceci explique, à partir de mi juillet, l’aspect spécifique des champs de semence avec l’alternance de rangées avec et sans panicules. 

Des précautions sont également prises pour que du pollen apporté par le vent ne vienne pas des champs voisins semés en maïs “de consommation” ou de semences différentes. Il y a donc une gestion intégrée de l’ensemble du parcellaire du secteur destiné à produire des semences.

Aspect d'un champ de semence après castrationNous voici maintenant à l’automne. Des machine munies de “pick-up” spéciaux vont venir cueillir les épis des femelles. Ils partent à l’usine ou, sous l’oeil vigilant du service qualité, ils sont effeuillés, triés, séchés puis égrenés. Après un stage en silo, la précieuse semence est calibrée, enduite d’un fongicide et mise en sacs dose de 50 000 grains pour la clientèle agricole. Les mâles sont récoltés à part, souvent par une moissonneuse batteuse classique. Le grain obtenu par autofécondation est utilisé comme “maïs de consommation” pour l’alimentation du bétail. 

C’est ainsi que les humains contraignent la nature pour mettre ses innombrables possibilités à leur profit !