Histoire d’Ô
par Martine C.
L’Auvergne est connue comme le « Pays des volcans », et l’on oublie que c’est également une région très riche en eaux de toute sorte… Lors de nos balades, nous avons observé de très nombreuses sources de nature et d’aspect différents que nous allons essayer de clarifier.
Les sources non minérales et non gazeuses : de loin les plus nombreuses
L’eau sort au niveau d’une fracture dans un banc de calcaire. Elle est dépourvue de gaz et non minéralisée (teneur en sels inférieure à 1g/litre d’eau). Elle provient de l’eau de pluie qui a traversé les strates sédimentaires et est donc pure si par bonheur elle a été filtrée par une strate sableuse et n’a pas été polluée par les activités agricoles (nitrates, pesticides et autres insecticides).
Ces eaux, souvent dénommées « eau de source », sont très abondantes en Auvergne comme l’attestent la toponymie locale : Fontclairant, Font de l’arbre, Fontaine du berger…
Quand on se promène dans la Chaine des Puys, on est frappé par l’absence de source. En effet le plateau granitique est en grande partie recouvert par les coulées émises par les différents volcans. Ces cheires sont très chaotiques, fracturées, et les eaux de pluie les traversent aisément. Elles se retrouvent sous la coulée dans l’ancienne vallée empruntée par cette dernière, la suivent et ressortent au front de la coulée, assez loin des puys. Ces sources très peu filtrées sont étonnamment pures car les cheires présentent un couvert forestier important qui les préservent de toute pollution.
Les sources minéralisées : beaucoup plus rares et parfois véritables curiosités
Elles se caractérisent par des émissions de gaz (dioxyde de carbone le plus souvent, mais aussi hydrogène sulfuré, hélium…)
Selon la chimie de leurs eaux on distinguera :
Sources bicarbonatées calciques : ex : Fontaine de l’Ours
Il sort de ces sources une eau riche en bulles qui s’en échappent avec un petit chuintement, ou avec un bruit plus sourd lorsqu’elles rencontrent un obstacle (ex : Source du tambour).
A l’émergence de ces sources (griffon), on observe des dépôts de carbonate de calcium souvent colorés en rouges par des hydroxydes de fer. Ces dépôts carbonatés s’appellent des travertins, surtout s’ils recouvrent des végétaux tels que des mousses, lichens etc… Ils forment parfois de magnifiques draperies comme à la source de la Tête de Lion.
Ces dépôts calcitiques recouvrent parfois des objets qu’ils « pétrifient » comme dans la grotte de Conadore à St Nectaire.
Sources bicarbonatées sodiques et chlorurées : ex : les sources du Grand et Petit Saladis
Dans un bassin construit au XXème siècle, on peut observer de nombreuses petites bulles dues à l’émission de CO2 et sur les bordures du bassin un petit liseré blanchâtre du au dépôt de sel (NaCl). Ces eaux sont en effet salées : la teneur en sel est de 8g/l .. l’eau de mer : 35g/l ).
Autour de ces sources pousse une végétation tout à fait originale constituée de plantes halophytes (qui aiment le sel) comme le plantain maritime, le glaux, le troscart…que l’on rencontre habituellement en bord de mer !
Les zones d’épandage des sources minéralisées présentent souvent de très belles colorations dues à la présence d’un biofilm : les zones bleu-vert sont colonisées par des cyanobactéries, les zones rouges par des bactéries ferro-oxydantes qui participent à la précipitation des hydroxydes de fer. Dans les zones vertes, ce sont des algues et des diatomées qui se sont développées.
Quelle est l’origine de ces eaux et des minéralisations qui les accompagnent ?
Les eaux de pluie vont s’infiltrer dans le réseau de fractures de l’écorce terrestre, essentiellement constituée de granites et de roches métamorphiques. Elles vont descendre parfois jusqu’à plusieurs kms et leur température va s’élever (le gradient géothermique étant de 50°C/km en Limagne). Elles vont rencontrer des fluides et des gaz (eau, CO2 , H2S, chlore …) d’origine mantellique qui remontent le long de fractures. Ces fluides proviennent de la fusion partielle du manteau et de sa déshydratation.
Les eaux deviennent alors acides car chargées en CO2 dissous. Elles altèrent les minéraux des granites. Lors de ces réactions d’hydrolyse, les feldspaths vont libérer du calcium, du potassium et du sodium, et les micas du fer et du magnésium.
Puis ces eaux gagnent la surface car leur densité est faible, vu leur température élevée ; elles sont également entrainées par les bulles de gaz (la pression diminuant, le CO2 n’est plus soluble). Si le trajet des eaux à travers les fissures est long, elles vont se refroidir, leur température à la sortie ne dépassant pas la vingtaine de degrés.
Les sources intermittentes : « geysers froids »
Ce sont des curiosités assez rares ; 4 ou 5 dans le Massif Central.
Ex : la Gargouillère de Lignat
L’eau se présente dans un petit bassin aménagé avec une petit trou en son centre : elle se trouble légèrement et l’on entend une sorte de crachouillis ; puis un jet d’eau s’élève en une hauteur de 30 à 50 cm avant de retomber dans le petit tuyau. On explique ce phénomène par la présence d’une petite poche remplie d’eau + CO2 à la base du petit conduit. Le CO2 arrivant de façon continue, la pression finit par devenir assez forte pour que le tout soit expulsé brutalement. Il faut attendre que le réservoir se remplisse de nouveau pour que le phénomène se répète en moyenne toutes les 10 mn.
Le geyser de Brissac (Ste Marguerite) fonctionne de la même façon que celui de Lignat. Toutes les 20 mn, un jet d’eau s’élève à 1 m de hauteur pendant environ 4 mn en émettant en plus du C02, de l’hydrogène sulfuré H2S à l’odeur d’œuf pourri très caractéristique !
Citons encore la source intermittente de Chas : en bordure d’un petit étang à l’entrée du village, l’eau jaillit sur une hauteur de 50 à 70 cm.
Les geysers chauds, comme ceux d’Islande sont dus à la vaporisation de l’eau au voisinage d’une poche magmatique, et ne sont pas minéralisés.
Les sources thermales : Il s’agit ici d’eaux minéralisées analogues à celles décrites plus haut. Elles sont chaudes et de température constante (34,5°C source Eugénie à Royat, 82°C source du Par à Chaudes Aigues). Cette température élevée s’explique par une remontée très rapide le long d’une faille. Elles sont reconnues par la médecine pour leurs vertus thérapeutiques et sont exploitées dans des établissements thermaux depuis l’Antiquité.
Bibliographie :
Association «sites et patrimoines» Veyre Monton :
*Le Val d’Allier au fil de l’eau, les sources thermominérales.
*Deux geysers du Massif Central : la source intermittente de Vals-les-bains et la «gargouillère» de Lignat
Planet-terre.ens-lyon.fr