La Tiretaine
par Georges
Jeudi 11 janvier, nous avons randonné le long de la Tiretaine dans sa section qui traverse Royat.
La Tiretaine est « LA » rivière de Clermont Ferrand, elle a joué dans le passé un grand rôle dans la vie de ses riverains.
Un peu de géologie
Venant de la Font de l’Arbre où se trouve sa source officielle, elle coule d’ouest en est. Pour comprendre son profil, il faut faire un peu de géologie.
D’abord il y a la montée des Alpes, qui en tirant sur la croûte terrestre a provoqué un effondrement qui a donné plus tard la plaine de la Limagne et, plus à l’ouest, des fissurations à travers lesquelles la lave est remontée, donnant le plateau de la chaîne des puys. On a donc deux niveaux et la Tiretaine nait au bord du niveau supérieur et va dévaler le rebord pentu qui les sépare.
Pendant les glaciations qui ont marqué l’ère quaternaire, il y avait 4m de neige/glace sur le plateau des dômes, mais en été, celle-ci fondait : le ruissellement a progressivement raviné le rebord du plateau ; la Tiretaine s’est formée ainsi, son cours s’est glissé entre, au nord les côtes de Clermont et au sud le puy de Gravenoire (au delà des côtes, le Bedat en a fait de même et l’Artière au sud de Gravenoire)
Des remontées de lave ont aussi eu lieu au pied du plateau : quand celle ci a rencontré l’eau de la Tiretaine de l’époque, cela a donné lieu à la pire forme d’explosion volcanique, un « maar », où les matériaux sont projetés avec une telle violence qu’il n’y a pratiquement pas de dôme. Clermont est bâtie dans l’immense cratère d’un maar et le bourrelet du plateau central (où est la cathédrale) est la seule trace de l’éruption.
Quand la situation s’est apaisée, la Tiretaine a été déviée par le bourrelet, une partie au nord, une partie au sud ; les deux branches ont ensuite serpenté dans la plaine, formant des marais, se séparant à leur tour en plusieurs ruisseaux, en direction de l’est.
La Tiretaine a donc un double profil : de sa source à Chamalières, c’est un torrent de montagne avec de la pente et du courant, ensuite c’est une rivière de plaine qui devient paresseuse.
Les hommes ont tiré parti de la rivière, en profitant de la pente pour installer des moulins, en canalisant les deux branches. C’est après le viaduc de Chamalières qu’elles se séparent : on appelle l’ouvrage le « partidou de St Victor » ; les eaux sont réparties dans la proportion de 2/3 au nord et 1/3 au sud.
Les deux biefs
C’est le reflet de la présence humaine à Clermont dans les temps anciens : la population vivait surtout au nord, au débouché de la riche plaine de la Limagne, là où arrivent les voies de communication. Le bief nord porte le nom de « bief des Usines », c’est là que se trouvaient les moulins, plus tard les manufactures, ce n’est donc pas un hasard si le nord de Clermont est ouvrier, si Michelin s’y est installé.
Le bief sud s’appelle « bief des Tanneurs », il passe à Jaude qui était dans le passé un marécage, un endroit insalubre, tout désigné pour y installer des tanneries.
Le bief nord se perd (la rivière perd même son nom) dans la Limagne au delà de Chamalières ; il rejoint le Bédat qui va se jeter à son tour dans l’Allier. Par suite des prélèvements domestiques (alimentation, hygiène) et économiques (irrigation des parcelles riveraines), son débit était dès le XIXème siècle, à son embouchure, insignifiant.
Le bief sud se jetait dans l’Artière, mais « ça c’était avant » car il a été entièrement enterré et se confond avec les canalisations des eaux usées.
Il est curieux de constater que l’Artière et le Bédat se rejoignent presque avant de se jeter dans l’Allier, l’Artière aux Martres d’Artière, le Bédat dans la Morge à Maringues, comme si la Tiretaine, divisée en deux branches à l’entrée de Clermont, avait voulu forcer les deux rivières dans lesquelles elle se jette à se réunir ensuite…
La crue de Royat
La Tiretaine est une petite rivière mais son côté torrent peut la rendre dangereuse. Il suffit qu’une pluie exceptionnelle s’abatte au bord du plateau des Dômes pour qu’elle crée une catastrophe.
Son débit moyen est de 270 litres/seconde, mais le graphique de crue centennale dit qu’avec l’apport de ses affluents (ruisseaux de Montrodeix, du Liaboux, de Villars, du Rivaly) il pourrait monter à 120 000l/s en bas de la pente c’est à dire à Royat.
Les habitants de Royat ont gardé le souvenir de la crue catastrophique qui s’est produite le 17 juillet 1835 à Royat mais aussi plus bas.
Vers 14h, une trombe d’eau s’est déversée au dessus de Gravenoire et de Charade ; le niveau de la Tiretaine et du Liaboux a monté au point qu’à certains endroits le lit était large de 15 mètres. Entrainant rochers et troncs d’arbres, ils ont démoli les murets qui les bordaient, envahi les maisons, détruit ponts et moulins ; cela a duré 10 minutes mais il y a eu 11 morts, des meuniers et des laveuses qui étaient au travail à cette heure et n’ont pas vu venir l’inondation.
On ne peut pas lutter contre une pluie exceptionnelle mais on peut en limiter les conséquences. On a compris à cette époque qu’il fallait lutter contre tout ce qui pouvait faire barrage à l’eau : les ponts qu’elle ne peut pas contourner, les embâcles, barrages naturels provoqués par des arbres, derrière lesquels une retenue va se créer pour céder ensuite brutalement. Les autorités ont par la suite veillé à débarrasser le lit des arbres abattus ou sur le point de s’abattre.
Plus récemment, à Aulnat et Chamalières
Il ne faut pas croire que ce risque ne concerne que les temps anciens, quand on ne connaissait pas le béton armé : en canalisant à outrance, en urbanisant les zones où la rivière pouvait s’étendre en période de crue, on a rendu une montée des eaux problématique.
Ainsi le 19 juillet 1979 à 17h30 (encore les orages d’été), une trombe d’eau s’est abattue sur l’agglomération et le journal titrait « Aulnat est coupée du monde » : 120mm/h d’eau étaient tombées en 5 minutes (en temps normal 8mm/h).
Le 9 août 2014, la maison des Associations de Chamalières avait les pieds dans l’eau.
Les rivières des Cévennes ou de la Provence n’ont pas le monopole des crues catastrophiques mais heureusement « notre » Tiretaine ne tue plus personne.
(Ces informations sont tirées du livre de Jean Michel Delaveau « La Tiretaine, rivière secrète de Clermont Ferrand »)